Le toucher

Depuis plus d’un an maintenant, nous vivons dans une distance sociale imposée. Le sens du toucher est sans aucun doute le sens le plus touché (sans mauvais jeu de mot…) par ces nouveaux comportements. Or, le toucher est sans doute le sens le plus important de tous car les contacts corporels traduisent nos émotions profondes. Cela peut paraitre surprenant d’un premier abord mais en y regardant de plus près, l’importance du toucher demeure essentiel ! C’est d’ailleurs pour cette raison que le toucher a toujours une large place dans mes stages. J’en ai même dédié un spécialement à ce sujet : Massage, Danse et Volupté.

La vue prédomine

Dans un univers principalement tourné vers l’image, on aurait tendance à penser que le sens qui prédomine les autres est la vue. Tout est image, les médias, les réseaux sociaux, les smartphones utilisent, génèrent des images de façon quasi continue. Même si nous sollicitons nos yeux constamment à l’heure actuelle, même si ce sens est au centre de nos vies (à condition que l’on puisse y avoir accès bien sûr), il reste néanmoins impératif pour notre bien-être de pouvoir toucher et être touché. Car oui les deux vont ensemble.

La peau comme premier organe sensoriel

Cela commence in utéro. Le sens du toucher est le premier des cinq sens à se développer. L’embryon est donc déjà en contact avec son environnement par son enveloppe, par ce qui va devenir son organe sensoriel le plus étendu : la peau. Ensuite, à la naissance, de la qualité des contacts avec sa mère, avec son entourage immédiat (infirmières, père, famille, etc…) va dépendre bon nombre de choses pour ce petit être. C’est d’autant plus vital chez les prématurés qui peuvent se laisser mourir s’ils ne sont pas suffisamment touchés.
Enfin, le contact stimule le système immunitaire et peut même allonger l’espérance de vie.

Le toucher, acte premier de la création

En 1973, Bonnie Bainbridge Cohen crée l’école du Boby-Mind Centering (Centrage Corps-Esprit) qui se fonde sur le mouvement comme intimement lié à l’esprit et l’esprit intimement lié au mouvement, l’intégrité de l’être ne dissociant pas le corps de l’esprit. L’un étant le réceptacle de l’autre. Bonnie a passé des années à étudier par une approche scientifique ET empirique tout ce qui passe par le corps et l’entraine dans son impulsion de vie. Remontant son étude à l’origine de la vie intra-utéro, le BMC apporte un soin tout particulier au premier contact, au premer toucher. De là découlant tout le reste. L’ovule fécondé se dépose sur la paroi utérine. De ce toucher réussi, la vie pourra alors se développer.

Des touchers différents

Le toucher est aussi une histoire de culture et d’éducation. Du côté du Japon, les parents sont très tactiles avec les jeunes enfants. Puis cela se perd totalement dans les rapports sociaux. En Inde, il est très mal venu de toucher le sommet de la tête d’une personne. Cela reviendrait à voler l’âme située juste au-dessus de la tête. Ou du moins c’est ce qui m’a été raconté lors d’un de mes voyages là-bas. Du côté de l’Afrique, les hommes se promènent souvent bras dessus bras dessous. En France, nous avons l’habitude de nous faire la bise pour dire bonjour aux personnes de notre entourage. Dans certaines régions de France, trois bises sont nécessaires pour rester dans les coutumes locales. A contrario, cette pratique est très mal vue dans d’autres pays.

Isolement physique et émotionnel

Or il y a des quantités d’informations qui passent par le toucher. Se priver de ce sens revient à limiter ses interactions avec le monde extérieur et par extension à s’isoler physiquement dans un premier temps et émotionnellement dans un second temps. Car quand on n’est plus touché physiquement, on n’est plus non touché émotionnellement. Pour ainsi dire, le contact physique induit une réaction émotionnelle. S’il n’y a plus de contact, alors il n’y plus d’émotion. De surcroît, la dépression n’est pas loin. D’autre part, caresses et câlins apportent un réconfort que les mots seuls peinent à exprimer.

Sos Massages

Californien, aux pierres chaudes, bien-être, thaïlandais, cachemirien, tantrique, coréen ou au chocolat,…, l’offre spectaculaire des différents types de massages n’a de limite que l’imagination de leurs créateurs. En effet, la diversité des massages existant va bien au-delà des frontières géographiques ou des habitudes locales. A chacun son massage !
Quant aux propositions en centre de soins ou d’esthétique, ou aux offres foisonnantes de stages de massage (et je n’échappe pas à la règle), elles attestent bien de l’engouement pour ces pratiques de bien-être. A dire vrai, les effets bénéfiques des massages sont étonnants : ralentissements des ondes cérébrales, libération d’hormones, détente des muscles, ralentissement de la respiration.

Le pouvoir des caresses

Le toucher induit de nombreuses interactions dans notre corps et dans notre psychisme. Depuis quelques années, les scientifiques démontrent les vertus du toucher, et ce sur plusieurs niveaux. C’est la culture qui nous a éloigné des contacts, qui, pourtant occupaient une place centrale dans les usages au Moyen-Age. La religion a eu par ailleurs un effet dévastateur sur le toucher, le reléguant à des actes sales et immoraux. Et pourtant, les caresses sont nos meilleurs médicaments !

Ocytocine et endorphine

Les caresses et les câlins produisent des molécules bien sympathiques comme des endorphines, ou la magnifique ocytocine, hormone de l’affection, qui joue en rôle essentiel dans nos relations aux autres. Un câlin de 21 secondes permettrait de sécréter une petite dose d’endorphine, molécule du bonheur : un shoot de love en quelques sorte ! On peut donc facilement imaginer à quel point les caresses, dans l’intimité, deviennent un vrai festin pour le corps et pour l’âme !

Ne pas confondre toucher conscient et tripotage

Bien sûr il ne s’agit de mettre ses mains n’importe où, n’importe quand et sur n’importe qui ! N’oublions pas les règles fondamentales du consentement. De la conscience, de la précision et du doigté sauront guider vos gestes vers des moments de délices. Et ces moments seront d’autant plus savoureux s’ils sont partagés. Finalement à chacun ses méthodes pourvues que les contacts soient empreints de douceur et de bienveillance.

Rester en contact

Grâce au toucher nous pouvons rester en bonne santé physique et morale, maintenir et consolider nos liens sociaux qu’ils soient du registre amical ou amoureux. La formule  « rester en contact «  ou « keep in touch » l’énonce clairement : rester en contact c’est conserver le lien. Les réunions Zoom et l’émergence du télétravail vont certainement, si cela perdure dans les années à venir, générer des dysfonctionnements chez les personnes directement impactées par ces « obligations sanitaires ». Le terme est en effet à mettre entre guillement, car en s’isolant les uns des autres, en diminuant nos contacts physiques à l’extrême, il est fort à parier que les dégâts seront nombreux. J’ose espérer que l’avenir se tournera davantage vers plus de douceur et de sensualité partagées sereinement.

Photo : Hélène Toulet