Clown Chamane

De retour du stage incroyable Maître Fou et Maîtresse Folle, je n’ai jamais été aussi fou. Depuis le 1er juin, je gambade maladroitement dans la folie qui m’est singulière. Dans ce paysage constamment renouvelé, le seul élément stable est la boule rouge de mon nez de clown. Mené par la complicité de deux personnages hors du commun, Eric Blouet pour la partie clown et Bérangère Lacaze pour le côté chamanique, ce stage est une formidable opportunité d’exploration de soi.

Au coeur du clown chamane

Je viens donc de passer 13 jours fabuleux, en immersion dans l’univers du clown chamane, entre jeux d’enfants et rêves éveillés. Je bouge, je chante, je danse, je crie ou je chuchote. Tout est prétexte à l’expression de ce qui se vit dans des recoins encore inexplorés de mon être.

Expériences et sensations

La folie du clown chamane glisse sur tout ce qu’elle rencontre. Elle se nourrit de sensations glanées par les expériences. C’est un pont entre ce qui est dedans et ce qui est dehors. A moins que cela ne soit l’inverse. Le clown chamane est un agrégat de sensations. Ceux qui ont lu Luis Ansa, et particulièrement son livre La Voie du Sentir, comprendront. Traverser l’expérience du clown chamane c’est d’abord plonger dans son sentir, c’est accumuler des informations de sensations, pour ensuite les faire remonter à la surface. Le clown chamane est avant tout un clown guérisseur qui ne cherche pas à mettre en mots des maux en passant par le prisme du mental mais par le corps et les sensations. Pas de censure ici.

Pleurire

Le clown chamane va chercher ses ressentis, ses émotions et les exprimer aux autres à sa façon pour partager l’expérience du vécu, du jeu qui se trame à l’intérieur. Car c’est bien d’un jeu qu’il s’agit : le jeu de l’aventure humaine, ce que je sens, ce que je vis, ce que ça provoque chez moi, dans mes tripes, dans mes veines, sur ma peau. Les yeux qui pleurent. Les yeux qui peuvent pleurer une tristesse absolue et en une micro seconde pleurer la joie et se mettre à rire pour pleurire (magnifique verbe inventer par une des participantes).

Le monde des contraires

Depuis longtemps déjà, par les caprices de la vie, j’explore de manière plus ou moins volontaire mes parts d’ombres et de lumières. Ici c’est encore autre chose. Avec ce stage, je plonge dans un espace qui m’était encore inconnu. Un espace intérieur pourtant bien présent et bien vivant, mais rarement mis en lumière. C’est la part du hors norme, du politiquement pas correct, de la démesure, de la folie et de la divagation, du tout et du rien. C’est le monde des contraires qui se rejoignent dans une danse transe, dans une confidence délicate, dans une revendication décalée, par un drame ridiculisé.

Depuis 13 jours donc, je suis fou. A mettre au jour les contraires, les dysfonctionnements intérieurs, ma Maîtresse Fou me montre les impasses, les  maladies, les incohérences de ce que je traverse comme autant de miroirs des merdouilles de la société. Ce qui est dedans reflète ce qui est dehors. Ou l’inverse. Un jeu perpétuel qui va de l’un vers l’autre.
J’en avais encore plus peur que de mes parts d’ombres. Et pourtant la folle dingue est bien là. Ici on l’appelle Maîtresse Fou ou Maître Folle en fonction du personnage qui surgit. Elle est mon alliée, mon rempart à la perte de mon humanité.

Liberté d’expression

C’est un formidable outil de liberté d’expression à tous les niveaux. Les émotions explosent autant que les codes sociaux. Les vêtements, le maquillage deviennent là aussi outils d’expression. Tout est permis, pas de limites. J’ai été éblouie par la richesse créative de chacun des 20 participants que nous étions. Comment avec la même quantité de vêtements (vêtements de ville, banals au possible), on pouvait décliner des combinaisons, des mélanges en tout genres. Nous avions peu de temps pour nous habiller, nous maquiller. Il fallait aller très vite, sans réfléchir, tout en étant dans l’action, dans le mouvement, la danse et la joie du joyeux bordel ambiant. Le résultat était incroyable ! Ça vaut n’importe quel défilé de haute couture !

Clown chamane et esthétisme

Maquillage succinct, déluré, peur, joyeux, ordonné, léger, dégoulinant, structuré. Les règles du conventionnel sont tellement restrictives. Pour faire écho à une pancarte brandie lors d’une marche des fiertés, je pourrais dire aujourd’hui : « Be freaks, normal is boring ! *» Idem pour la notion de beau. La recherche du « beau », de « l’esthétique » limite l’expression, l’expérience du ressenti et de l’expression. Je n’ai jamais vécu autant de liberté d’être dans un stage. Sur le plateau tout était permis dans l’expression.

Un gros zéro !

Le non jugement. En allant connecter son ressenti profond, l’expression devient toujours juste. Il n’y a pas de valeur à donner autre que la valeur du partage de l’instant. Out le jugement, la note, qui contraint à une exigence de résultat. Mais quel résultat ? Qui peut dire si ce que je vis au plus profond de moi peut se monnayer, se valoriser, se justifier ?

Ego capout

Destruction de l’ego, du personnage limitant. On n’est plus dans le signifiant, dans le cognitif, dans les archétypes. Cela peut être soumis ensuite à interprétation, à classification dans des cases, des références d’archétypes. Et après ??? Ici, c’est le chaos de tout ça qui amène à un espace de silence et de rien dans lequel pourra fleurir quelque chose de nouveau. Lors d’une conférence de Luis Ansa à laquelle j’ai assisté il y plus de 20 ans maintenant, il disait d’un chamane qu’il n’était « qu’une patate sensitive ».

Ma Maîtresse Fou m’aide à sortir de mes limitations. Lâcher mes limitations ouvre un espace immense de renouveau et d’autres possibles.

*« Be queer, normal is boring. »

clown chamane stage Eric Blouet et Bérangère Lacaze
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